Au contraire du discours ambiant, l'histoire des campagnes de vaccination autour de cette maladie est peu glorieuse, et la victoire de sa disparition est clairement due à des actions de "surveillance-endiguement". Retour sur l'histoire de cette éradication, sources à l'appui.
Malgré son utilisation à tort comme une démonstration de réussite des vaccins par les propagandistes "pro vax", le vaccin contre la variole n'a visiblement pas changé la courbe de l'éradication de la maladie amorcée par l'accès à la sanitation.
L’Organisation Mondiale de la Santé avait décidé en 1958 de lancer un programme mondial visant à éradiquer la variole en quelques années.
La stratégie initiale proposée par les Soviétiques estimait que la vaccination de 80% des populations concernées serait suffisante pour venir à bout de la maladie et que cela était réalisable. L’entreprise débuta dans la certitude puis, après bien des vicissitudes conduisant à la désillusion, fut même un moment au bord de la faillite. Si on ne change pas une équipe qui gagne, on le fait pour une équipe qui perd : échec salutaire qui conduira à une profonde remise en cause, à un changement radical d’approche de la maladie et de la stratégie de lutte pour finalement vaincre la maladie.
Pour décrire cette aventure puis esquisser les perspectives qu’elle offre, voici quelques citations extraites du rapport de 140 pages rédigé par la Commission pour la Certification de l’Éradication mondiale de la variole [1] . Il fut publié en 1980 par l’OMS et servit de fondement à la proclamation officielle de l’éradication de la maladie le 8 mai 1980 à Genève en présence des représentants de tous les Etats du monde.
« Convaincue du rôle essentiel de l’immunisation active, l’OMS a décidé en 1958 d’assurer l’éradication de la variole par des campagnes massives de vaccination. Ce n’est pas une tâche d’une difficulté insurmontable et la décision est parfaitement conforme aux possibilités réelles. Nous pouvons être tout à fait certains que les prochaines années nous apporteront la victoire.» [ Cahiers de santé publique n°8, p.10, 1962]
« Les campagnes d’éradication reposant entièrement ou essentiellement sur la vaccination de masse furent couronnées de succès dans quelques pays mais échouèrent dans la plupart des cas. » [p.32 du rapport final de la Commission mondiale pour la Certification de l'Eradication de la Variole] [1]
« En Inde, cinq ans après une campagne nationale d’éradication entreprise en 1962 (55 595 cas ), le nombre de notifications était plus grand (84 902 cas) qu’il ne l’avait jamais été depuis 1958. Il eut été extrêmement coûteux et logistiquement difficile, sinon impossible, d’atteindre des niveaux beaucoup plus élevés de couverture. Avec les moyens disponibles, il fallait absolument changer de stratégie. » [p.32 du rapport final de la CCEV]
À elle seule, la table des matières est déjà très éloquente car on y lit successivement :
- La stratégie de vaccination de masse : …Succès et échecs
- Evolution des stratégies : …Caractéristiques de la variole de nature à en faciliter l’éradication
- La stratégie de surveillance et d’endiguement
En particulier, les conditions de transmission de la maladie vont être soigneusement étudiées :
« La période d’incubation est de 10 à 12 jours ; le stade pré-éruptif débute alors brutalement par une fièvre, un état de prostration. Dès les premiers signes de l’éruption, le malade devenait contagieux et pouvait transmettre le virus pendant toute la durée de la maladie. » [p.18 du rapport final de la CCEV]
Il fut capital de réaliser que, si le premier signe de la maladie était une fièvre à plus de 40° obligeant le malade à s’aliter, il ne devenait contagieux qu’avec le début de l’éruption, 2 jours après. Ces données seront le fondement de la stratégie de surveillance et d’endiguement qui remplacera progressivement la vaccination de masse.
1 - Les malades furent alors activement recherchés, en particulier par des campagnes d’affichages et en offrant même de l’argent pour tout cas signalé. Dès qu’un cas était repéré, il était isolé.
2 - Les contacts étaient recherchés et surveillés. Aux premiers signes de maladie – une fièvre intense, donc avant de devenir contagieux – ils étaient isolés.
« Dès lors que les varioleux étaient isolés dans une enceinte où ils n’avaient de contacts qu’avec des personnes correctement vaccinées ou précédemment infectées, la chaîne de transmission était rompue. En identifiant et en isolant immédiatement les contacts qui tombaient malades, on dressait un obstacle à la poursuite de la transmission. » [p. 22 du rapport final de la CCEV ]
3 - Il fut tout aussi essentiel de constater que la maladie se propageait le plus souvent à faible distance du malade (moins de 2 mètres) par la voie respiratoire et que les contacts se recrutaient parmi les personnes ayant approché le malade, le plus souvent les proches [p.33 du rapport final de la CCEV] :
« La variole n'était pas une maladie qui sévissait de façon simultanée et aléatoire dans de nombreux secteurs du pays, mais une maladie à propagation lente qui, à un moment donné, ne frappait qu'une petite proportion des agglomérations. Des exceptions à la règle furent observées, mais l'observation s'est généralement révélée juste.
Au début du programme [d'éradication], on estimait assez généralement que les virus en suspension dans l'air transmettaient souvent la variole à des personnes se trouvant à des distances considérables et que les couvertures, vêtements et autres contages ainsi que les croûtes des malades étaient souvent à l'origine de poussées épidémiques. Toutefois, des observations épidémiologiques ont montré que ces modes de transmission étaient relativement peu importants.
Pratiquement, tous les varioleux s'étaient infectés par contact proche avec des malades, et ils se comptaient parmi les personnes vivant sous le même toit ou celles qui avaient rendu visite aux malades.
Le fait que des non-vaccinés vivant sous le même toit qu'un varioleux échappaient souvent à l'infection montrait bien que la variole n'était pas aussi transmissible qu'on l'avait généralement cru. Des études minutieuses montrèrent qu'un sujet infecté contaminait généralement entre une et cinq personnes.
L'idée selon laquelle la variole provoquait souvent des épidémies foudroyantes occasionnant des douzaines, sinon des centaines de cas, se révéla sans fondement. »
La campagne menée en Inde révéla les limites d’une stratégie axée uniquement sur la vaccination de masse dans un pays aussi vaste et densément peuplée que l’Inde, même lorsque la couverture de vaccination atteignait 90%, objectif pourtant difficile à atteindre. En revanche, lorsque des programmes de surveillance active et d’endiguement efficace entrèrent pleinement en action, l’Inde fut en mesure de réaliser l’éradication dans un délai relativement bref." [p.47 du programme de la CCEV]
En Inde, le dernier cas fut observé en mai 1975
« A Java, en dépit de toutes les mesures prises, la variole s’avérait extraordinairement difficile à éradiquer, malgré des taux de vaccination dépassant 90%. Jusqu’à ce que des structures efficaces de dépistage et de surveillance soient entièrement mises en place. » [p. 42 du rapport final de la CCEV]
Les personnes reconnues comme contacts possibles d’un malade contagieux étaient non seulement isolées mais aussi vaccinées. On admettait et on admet toujours qu’une vaccination pratiquée moins de 4 jours après un contage serait efficace et certains voudraient attribuer le succès sur la variole à cette vaccination. Chacun peut reconnaître que l’efficacité de cette vaccination dans de telles conditions n’a à priori rien d’évident. De plus il n’en existe aucune preuve rigoureuse, l’expérimentation étant impossible en raison de l’absence de modèle animal pour la variole. Bien au contraire, de nombreux exemples et des éléments statistiques seraient plutôt en faveur de l’hypothèse inverse, à savoir : la superposition à quelques jours près de la contamination sauvage et de la vaccination serait un facteur aggravant voire déclenchant de la maladie même chez des personnes précédemment immunisées et qui auraient pu éviter la maladie sans cette vaccination supplémentaire [3].
Le rapport de l’OMS cite le cas qui s’était produit au Royaume-Uni en 1949 dans un laboratoire : « il était imputable à une auto-inoculation du virus variolique par un agent de laboratoire récemment engagé qui avait manipulé des instruments infectés le jour même où il avait été vacciné. » [p.55 du rapport final de la CCEV].
Sans remettre en cause l’efficacité du vaccin dans des conditions plus normales d’utilisation, cette hypothèse pourrait permettre d’expliquer l’échec des campagnes de vaccination en zone d’endémie comme aussi l’étonnante évolution de la variole en Inde peu de temps avant sa disparition alors que l’isolement des malades et la vaccination des contacts s’étaient progressivement généralisés : on est en effet passé de 12 773 cas en 1970 à 16 190 en 1971 puis 27 407 en 1972, 88 114 en 1973 et … 188 003 malades en 1974, du jamais vu ! Le dernier cas sera pourtant observé en mai 1975, un an après avoir constaté l’incidence hebdomadaire la plus élevée : plus de 11 000 cas au cours d’une semaine de mai 1974, ce qui correspondrait à plus de 572 000 cas annuels ! La disparition soudaine de la maladie s’explique très certainement par l’isolement précoce des malades ; quant à son extraordinaire poussée, elle pourrait trouver sa raison dans la vaccination des contacts récemment contaminés. Ainsi, le moindre accroissement observé entre 1962 et 1967, où le nombre de cas enregistrés passa seulement, si l'on peut dire… de 55 595 à 84 902, pourrait s’expliquer par une vaccination des contacts qui était plutôt aléatoire alors qu’elle deviendra progressivement systématique après 1970.
Enfin, quoi qu’il en soit de ce problème complexe, il est clairement établi que c’est l’interruption de la transmission par l’isolement rigoureux des contacts et non leur vaccination qui a assuré la victoire sur la maladie, l’effet de cette mesure, en l’admettant efficace, ne pouvant être que de réduire le nombre de malades à isoler.
En cette occasion le journal Le Monde du 21/12/1977 publiera un article de F.J. TOMICHE, chef des services de presse et de publications de l’OMS :
« Sur le plan stratégique, l’abandon de la vaccination de masse en faveur de l’approche dite « de surveillance-endiguement » revêtit une importance capitale. Avec ce type d’approche on parvenait à faire complètement échec à la transmission, même lorsque l’incidence variolique était élevée et les taux d’immunisation faibles. La méthode consiste en la prompte détection de nouveaux cas, suivie de mesures d’endiguement immédiates, c’est-à-dire la recherche de tous les contacts possibles et leur isolement afin d’arrêter la transmission. »
Après cette date on va assister à la subtile occultation… de la méthode de surveillance-endiguement ! Tout ce qui n’était pas de la vaccination dans ce qui avait permis la victoire sur la maladie sera omis au profit de la vaccination massive et généralisée des populations. Les preuves de cette évolution ne manquent pas et chacun a pu en être le témoin voire le zélateur involontaire pour clamer haut et fort en toute occasion et sur tous les tons et encore aujourd'hui dans tous les médias, que
« La variole a disparu de la surface de la terre grâce uniquement à la campagne de vaccination menée par l’Organisation Mondiale de la Santé ».
Alors que ces grandes campagnes furent un échec cuisant et que la seule vaccination qui a pu être vraiment utile fut celle des équipes de santé qui avaient les malades en charge. Cependant, beaucoup de membres de ces équipes étaient recrutés parmi d’anciens varioleux. De plus, les récentes directives d’application du plan variole prévu par le ministère pour faire face à une attaque terroriste par la variole, tout en imposant cette vaccination au personnel d’intervention, recommande aussi le port d’une blouse, de gants et d’un masque afin de rassurer le dit personnel... Deux précautions valent mieux qu’une !
Cependant, en octobre 2001, devant la menace supposée imminente et pourtant très hypothétique du retour de la variole, et devant la réelle menace de la reprise de sa très redoutable vaccination, des voix très autorisées tenteront de se faire entendre pour rétablir un peu de calme et de vérité au milieu de cette psychose organisée :
« L'efficacité des vaccins existants est prouvée ; mais on observe une forte incidence des effets indésirables. La probabilité de ces réactions est suffisamment élevée pour ne pas procéder à la vaccination de masse tant que le risque d'exposition est faible, voire inexistant.
L’OMS confirme que la meilleure méthode pour enrayer une épidémie de variole, si elle devait se produire, reste la même : recherche et confinement. Cela signifie de rechercher les personnes atteintes, d’identifier celles qui ont été en contact et de les vacciner. »
Ce rapport sur la variole du 25/10/2001, qui a été réalisé par l'Institut de Veille Sanitaire à la demande du ministre, reconnaîtra le succès de la stratégie de surveillance et d’endiguement dans le programme d’éradication de la maladie :
« Il est indubitable que c'est la mise en œuvre de ces stratégies de contrôle qui a permis, au moins dans les régions de forte densité, d'atteindre l'élimination. » [p.10 du rapport final de CCEV]
Dans sa résolution du 8 mai 1980, l'Assemblée Mondiale de la Santé rassemblant une fois l'an les ministres concernés de tous les États de la planète avait "prié le Directeur général de veiller à ce que soient publiés des ouvrages appropriés traitant de la variole et de son éradication, afin de préserver l'expérience sans précédent que constitue cette éradication". Le jour même le Directeur général, le Dr H. MAHLER, déclarera :
« En raison du caractère exceptionnel de cette réalisation, il est important que les responsables de la santé publique, les historiens et les générations futures aient accès aux éléments d’appréciation sur lesquels ces conclusions ont été fondées . Le présent ouvrage L'Éradication mondiale de la variole – rapport final de la Commission mondiale pour la Certification de l'Éradication de la Variole – analyse rigoureusement ces éléments. Puisse ce rapport final nous inciter tous à réfléchir à la manière dont cette expérience peut nous aider à nous atteler plus efficacement à la résolution d’autres problèmes de santé. »
Pouvons-nous oublier en effet que dans cette expérience pour vaincre la variole, les connaissances, les méthodes et les pratiques qui y sont attachées se sont développées sur un océan de souffrances et que l'Humanité a payé très cher l'arrogance dogmatique de ceux qui lancèrent imprudemment de gigantesques et inutiles campagnes de vaccination ? Par respect pour toutes ces souffrances passées et toutes celles qui pourraient être évitées aujourd’hui par l’application de méthodes analogues, ou demain face à des maladies émergentes contre lesquelles il n’y aura pas de vaccin, avons-nous le droit de participer, consciemment ou non, à l'occultation de tout ce qui ne fut pas de la vaccination dans la victoire sur la variole? Renoncer à cette occultation, connaître et faire connaître cette aventure, voilà certainement le plus bel hommage que nous pourrions rendre aux victimes de la variole comme de sa vaccination.
NOTES
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[1] Ce rapport (en français) est en ligne dans la bibliothèque de l'OMS : http://whqlibdoc.who.int/publications/a41464_fre.pdf
[2] http://www.who.int/inf-pr-2001/fr/state2001-16.html
[3] Le médecin allemand Gerhard Buchwald a étudié les cas de variole apparus dans les hôpitaux allemands et rapporte en particulier 5 cas d’infirmières décédées comme « Barbara Berndt (17 ans) (épidémie de variole à Monschau, 1962), vaccinations : première et deuxième vaccinations obligatoires, vaccination après la déclaration du foyer de variole le 5 février 1962 ; date du décès : 20/02/0962, 14 jours après la dernière vaccination. »
Voici deux citations officielles attestant du changement de stratégie qui s’opéra dans la lutte contre la variole.
« qu'il a été démontré que l'éradication de la variole dans une zone d'endémicité peut être obtenue par la vaccination ou la revaccination effective de 80% de la population en l'espace de quatre à cinq ans ; »
Malheureusement, il fut démontré par les faits au cours des années 1960 que cela ne fonctionnait pas... d'où une évolution très significative de la stratégie :
« Notant l'importance que présente la surveillance dans l'état actuel des programmes et estimant qu'il est désormais souhaitable de mettre beaucoup plus fortement l'accent, dans tous les pays, sur le dépistage, les enquêtes et les mesures d'endiguement afin de parer à tous les cas et poussées épidémiques de variole ; »
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